La Méditerranée est la terre-mer des rencontres – pacifiques ou conflictuelles – entre différentes cultures, religions, identités. Trait d’union entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie, elle est bordée par plus de vingt nations, elles-mêmes souvent partagées entre ethnies, cultures et langues. L’historien Fernand Braudel parlait de cet espace peu homogène, comme d’un « système où tout se mélange et se recompose en une unité originale« , un lieu d’échanges et multiculturel. Le pape François en donne sa définition, dans un important discours prononcé à Naples, le 21 juin 2019, dans un colloque universitaire de théologie : « La Méditerranée est bien la mer du métissage – si nous ne comprenons pas le métissage, nous ne comprendrons jamais la Méditerranée -, une mer géographiquement fermée par rapport aux océans, mais culturellement toujours ouverte à la rencontre, au dialogue et à l’inculturation réciproque.«
Le pape appelle à penser la Méditerranée comme un lieu complexe, berceau de grandes civilisations et des trois religions monothéistes. Penser la Méditerranée signifie penser la différence, la pluralité, l’altérité. D’où la question posée aux théologiens : « Comment alimenter une coexistence tolérante et pacifique qui se traduise par une fraternité authentique ?«
Si des efforts diplomatiques sont faits, il leur manque une vision culturelle forte. François le dit : « Nous devons nous en convaincre : il s’agit de lancer des processus, non de définir des espaces, d’occuper des espaces… Lancer des processus. » Il souligne dans toutes ses interventions, après Jean-Paul II, la responsabilité des religions dans les conflits comme dans la paix. Il parle d’une « théologie de l’accueil et du dialogue« , qui doit rechercher « un vivre ensemble pacifique dialogique« . Et il propose aux étudiants en théologie un véritable plan de formation à la connaissance des cultures et des religions : « Former les étudiants au dialogue avec les juifs implique de les éduquer à la connaissance de leur culture, de leur mode de pensée, de leur langue, pour comprendre et mieux vivre notre relation sur le plan religieux. Dans les facultés de théologie et dans les universités ecclésiastiques, il faut encourager les cours de langue et de culture arabe et hébraïque, et la connaissance réciproque entre étudiants chrétiens, juifs et musulmans.«
François se situe ainsi dans la lignée de grands penseurs qui, de saint François d’Assise à l’émir Abd el Kader, de Ramon Lull à Albert Camus, de Giorgio La Pira à Mohamed V, de Martin Buber à Louis Massignon, ont fait vivre l’esprit de paix, qui s’incarne aujourd’hui dans l’esprit d’Assise.
Peuples du Monde n°485