Le pape François a annoncé, le 4 mars 2019, à l’occasion du 80e anniversaire de l’élection au pontificat de Pie XII, l’ouverture pour la recherche historique des archives de ce pontificat, de 1939 à 1958, années de transformations du monde. L’ouverture sera effective à partir du 2 mars 2020. La règle au Vatican est de respecter un délai de 70 ans avant l’ouverture des archives et de les ouvrir non pas année après année, mais globalement par pontificat. Jean-Paul II avait ainsi ouvert d’un seul coup les pontificats de Pie X (1903-1914) et de Benoît XV (1914-1922) ; son successeur, Benoît XVI, celui de Pie XI (1922-1939). François aurait pu attendre 2028, marquant les 70 ans de la fin du pontificat de Pie XII. Dans une volonté de transparence, et en pensant que l’Eglise n’a rien à craindre de la recherche historique, le pape a fait un geste important pour la connaissance historique rigoureuse d’un pape dont la mémoire a subi de nombreuses attaques, notamment pour son attitude durant la guerre face à la persécution des juifs. De rudes polémiques ont eu lieu, l’accusant de silence.
Au-delà de celles-ci, on connaît plutôt bien le rôle de Pie XII durant la guerre grâce à de nombreux travaux historiques sérieux, malgré la fermeture officielle des archives, pour deux raisons : d’une part parce que le Vatican lui-même a publié un grand nombre de documents issus de ses archives : onze volumes édités entre 1965 et 1981 ; d’autre part, du fait de l’ouverture des archives des Etats belligérants ou neutres, qui étaient en relation avec le Saint-Siège, et celles d’organismes internationaux comme la Croix-Rouge internationale. L’ouverture des archives permettra de préciser certains points encore méconnus, mais l’essentiel est déjà connu, de mettre fin aux polémiques inutiles et de clore les rumeurs. On ne peut donc que se réjouir de la décision de François.
Cette ouverture permettra surtout de mieux connaître les années 1945-1958 de ce pontificat : le magistère pontifical, ses encycliques, la proclamation du dogme de l’Assomption en 1950, la réflexion sur un futur concile œcuménique (convoqué par Jean XXIII en 1959), le rôle international du Saint-Siège alors que monte l’aspiration à l’indépendance des peuples colonisés dans un climat de tension permanente Est-Ouest et qu’une Europe nouvelle se construit. Un énorme travail attend les historiens, avec cet objectif que leur indique François : « La recherche sérieuse et objective saura évaluer dans leur juste lumière, avec une critique appropriée, les moments d’exaltation de ce pape et sans doute aussi les moments de graves difficultés. »
Peuples du Monde n°483