Raphaël à Chantilly – Le maître et ses élèves

Raffaello Sanzio, dit Raphaël (Urbino,1483-Rome, 1520) Etude pour la Dispute du Saint Sacrement : vingt clercs et ecclésiastiques discutant Plume et encre brune, lavis brun, rehauts de blanc. Mise au carreau à la pierre noire (0,022 de côté), sur papier brun ; traits d’encadrement à la plume et encre brune. Bords supérieur et inférieur découpés irrégulièrement et complétés. Annotation à la pierre noire, en bas vers la droite : Raffal d’urbino ©RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-Thierry Ollivier

Le domaine de Chantilly prolonge l’exposition exceptionnelle des dessins de Raphaël jusqu’au 30 août 2020. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir cet artiste de génie ainsi que la riche collection du musée Condé. Rencontre avec Mathieu Deldicque, conservateur au domaine de Chantilly et commissaire de l’exposition.

Pour le 500ème anniversaire de la mort du peintre Raphaël, le domaine de Chantilly propose la seule exposition de l’artiste cette année. Vous l’expliquez par l’importance du fonds Raphaël dans les collections du musée Condé. Pouvez-vous nous expliquer la relation entre Henri d’Orléans, duc d’Aumale, grand collectionneur et l’artiste Raphaël ?

Le musée Condé de Chantilly conserve la collection d’œuvres de Raphaël (peintures et dessins) la plus importante de France, après celle du musée du Louvre.

Cela s’explique par le goût et les préférences du collectionneur qui a réuni le fonds de Chantilly, Henri d’Orléans, duc d’Aumale. Raphaël était l’artiste favori de ce dernier, qui allait admirer ses œuvres dans les musées et les églises de l’Europe entière.

Dans l’histoire du dessin, Raphaël tient une place particulière. Pourquoi est-il important d’exposer ces dessins aujourd’hui ?

On parle souvent du génie de Raphaël, mais que recouvre cette notion ? C’est par les dessins du maître, mais aussi ceux de son atelier, que nous pouvons entrer dans la main et la tête de cet immense artiste, et comprendre par quel cheminement sont passés ses projets de tableaux et de fresques.

Raffaello Sanzio, dit Raphaël (Urbino, 1483-Rome, 1520)
La Vierge assise avec l’Enfant et le petit saint Jean, dans un paysage
Plume et encre brune, traces de stylet
©RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-Thierry Ollivier

 

Le public n’a pas vu ces dessins depuis 25 ans, depuis les années 1990. Vous avez affirmé que l’exposition présentait un Raphaël nouveau, un regard nouveau. Pourquoi ?

Les recherches sur Raphaël ont beaucoup évolué ces dernières décennies. Après le premier travail – fondamental – d’étude approfondie et de publication de la collection du musée Condé vient celui de sa réévaluation problématisée, avec des regards contemporains, associés à des analyses matérielles. C’est ainsi que, par exemple, l’étude du papier qui n’avait pas été menée de façon systématique a permis de préciser plusieurs suppositions antérieures. Les collections des cabinets de dessins du monde entier sont désormais mieux connues, plus accessibles, notamment en ligne. Nous avons une vision plus claire du corpus de Raphaël et de son école et pouvons proposer de nouvelles comparaisons. Enfin, l’exposition offre un panorama large de carrière du maître, depuis sa jeunesse et l’influence de ses mentors, jusqu’aux grands chantiers de ses élèves. Au-delà de l’exposition d’un fonds, c’est à la découverte d’une histoire artistique que nous invitons le visiteur.

Pietro Vannucci, dit Le Pérugin (atelier de) (Città della Pieve, vers 1445-Fontignano,1523)
Buste d’homme
Pierre noire sur contours en pointillé.
©RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly

Qu’avez-vous découvert ou redécouvert en préparant cette exposition ?

Pour citer un exemple : les deux grands cartons de jeunesse de Raphaël, qui accueillent le visiteur, sont exactement contemporains. Ils impressionnent par leur taille et leur maîtrise, alors que Raphaël n’a pas encore 20 ans lorsqu’il les dessine.

Il y a des réévaluations aussi : le superbe porteur à la sanguine préparatoire à un décor du Vatican avait été désattribué à Raphaël lui a été rendu ; tous les spécialistes sont maintenant d’accord.

L’exposition présente les dessins de Raphaël de la collection de Chantilly, mais pas uniquement. Le visiteur pourra poursuivre la visite dans le musée à admirer des tableaux du maître. Quels sont ces tableaux ?

Les trois tableaux de la collection correspondent à trois périodes phares dans la carrière de Raphaël.

Les Trois Grâces, petit tableau mythologique, est une œuvre de jeunesse, déjà très aboutie. Toute la grâce et la monumentalité du maître sont déjà là.

Raffaello Sanzio, dit Raphaël (Urbino, 1483-Rome, 1520)
Les Trois Grâces
Huile sur bois
Chantilly, musée Condé
©RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-Frank Raux

 

La Madone d’Orléans, peinte à Florence, montre toutes les influences puisées auprès des grandes sources de l’époque, Léonard de Vinci, Michel-Ange mais aussi Van Eyck.

Raffaello Sanzio, dit Raphaël (Urbino, 1483-Rome,1520)
La Madone de la maison d’Orléans
Huile sur bois
Chantilly, musée Condé
©RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-Harry Bréjat

La Madone de Lorette, œuvre de la période romaine de Raphaël, n’a été authentifiée qu’à la fin des années 1970, le duc d’Aumale pensant posséder la copie d’un original perdu ! La médiation installée près de ces tableaux permet de raconter à nouveau cette étonnante histoire.

Raffaello Sanzio, dit Raphaël (Urbino, 1483-Rome, 1520)
La Madone de Lorette
Huile sur bois
Chantilly, musée Condé
©RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-Harry Bréjat

Quelle est la prochaine exposition que vous organiserez au château de Chantilly ?

A partir du 5 septembre, c’est à une grande saison consacrée au XVIIIe siècle que le Domaine de Chantilly vous invitera !

Dans les Grands Appartements des princes de Condé, une exposition qui s’annonce spectaculaire par sa scénographie et ses œuvres proposera un dialogue entre deux des plus importantes manufactures de porcelaine de la première moitié du XVIIIe siècle, celle de Meissen en Allemagne et celle de Chantilly. Des prêts exceptionnels viendront étonner le visiteur, avec les oiseaux géants de Meissen, des pièces montées d’un luxe rarement dépassé, mais aussi toute une ménagerie de porcelaine !

Dans le cabinet d’arts graphiques, le portraitiste Carmontelle sera à l’honneur : il a représenté toute la belle société de la fin du XVIIIe siècle, celle des princes de la famille d’Orléans, des salonnières, des philosophes, des scientifiques, des chanteuses d’Opéra…

Enfin, le cabinet des livres dévoilera une exposition consacrée aux livres d’heures, autour d’une nouvelle médiation virtuelle consacrée au manuscrit le plus célèbre du monde, les Très Riches Heures du duc de Berry !

Propos recueillis par Julien Serey

 

Le catalogue de l’exposition : Raphaël à Chantilly, éditions Faton, 96 pages, 60 illustrations, 19,50 euros.

Horaires d’ouverture :
10h30-17h / 18h pour le parc
Fermé tous les mardis

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