Les images de la cathédrale de Paris ravagée par les flammes ont tourné dans le monde entier et suscité une vive émotion. Parce que Notre-Dame, c’est Paris, mais pas seulement. Elle est la France et au-delà elle est l’Europe, et le monde. Elle est le monument religieux le plus visité en Europe, par des touristes venus de nombreux pays. Sur l’arc de vie d’une génération, ce sont des millions de personnes qui l’ont visitée, frappées par la beauté de son architecture, par ses trésors extraordinaires, par sa longue histoire.
Dans la France divisée, fracturée, laïque, sécularisée, mais stupéfaite devant le drame, les responsables politiques, avec le Président Macron, ceux des diverses religions, ont exprimé leur solidarité avec les catholiques.
L’émotion a submergé toute l’Europe. L’Europe des marchés ne reconnaît plus ses racines, mais les Européens se sont reconnus héritiers d’une civilisation commune, celle des constructeurs de cathédrales. Donald Tusk, président du Conseil européen, a parlé de « Notre-Dame de toute l’Europe« . Avec le drame parisien, on retrouve le sens de la Communauté européenne, nom que les pères fondateurs du processus d’unification de l’Europe, Konrad Adenauer, Alcide De Gasperi et Robert Schuman, avaient choisi en 1950 pour traduire leur volonté politique de tresser entre les nations européennes les fils d’un destin vraiment commun. L’idée de communauté avait un sens spirituel fort, dans le sens de créer un esprit commun capable d’unir et de dépasser les différences et les conflits. Puis « Union » a pris la place de « Communauté ». Il ne s’agit pas seulement d’une question sémantique. L’Union a privilégié les ententes techniques aux dépens d’un projet. Donald Tusk a dit justement : « L’incendie de la cathédrale nous rappelle que nous sommes liés par quelque chose de plus important et de plus profond que les traités. Aujourd’hui, nous en comprenons mieux l’essence.«
Notre-Dame de Paris vient de nous rappeler que nous sommes tous liés par une civilisation commune qui vient de nos héritages judéo-chrétiens et gréco-romains. L’émotion partagée pourrait signifier une nouvelle prise de conscience d’une civilisation commune qui transcende les règlements monétaires et économiques. Cet incendie tragique montre que l’Europe n’est pas une abstraction, réduite aux institutions de Bruxelles, mais une réalité charnelle. Le quotidien laïc La Repubblica a titré « Le monde bouleversé » sous une photo de Notre-Dame en flammes. Le Guardian britannique a parlé de « l’esprit de l’Europe« . Le patrimoine unit parce qu’il porte en lui, même lorsqu’il s’agit de monuments profanes, quelque chose de sacré.
Peuples du Monde n°484