Jusqu’aux confins du monde

Au début de ses Conversations avec Bernard Lecomte (2007), j’ai senti battre le coeur du monde, le cardinal Roger Etchegaray évoquait son enfance à Espelette avec ses quartiers, Basaburu, Lahargeta, qui lui semblaient alors « au bout du monde« . Mais, quelques pages plus loin, il mentionnait la toute première conférence qu’il avait donnée, en l’occurrence en 1947, au 7e congrès d’études basques, sur « l’effort missionnaire des Basques à travers les siècles »  : « Elle portait déjà le regard jusqu’aux extrémités de la terre !« 

La même image du très lointain s’impose dès les premières lignes de la lettre apostolique Maximum Illud que nous sommes invités à lire, cent ans après sa publication (1919). Benoît XV rappelle que « les disciples s’en allèrent prêcher partout la parole de Dieu, si bien que leur parole atteignit aux confins du monde » (« In fine orbi terrae » selon le psaume XVIII). Et d’illustrer par de nombreux exemples, s’inscrivant dans l’histoire et la géographie, « jusqu’aux derniers confins de l’Empire romain » d’abord, puis sur un champ beaucoup plus vaste incluant tous les continents, leurs régions reculées, leurs archipels.

L’expression – qui parcourt la Bible – est belle, riche de poésie, mais aussi d’aventures et d’audace. Déjà Isaïe disait : « j’enverrai des rescapés vers les nations les plus éloignées, vers les îles lointaines qui n’ont rien entendu de ma renommée. » Elle traduit l’idée de mission  sans limite, mais peut-être aussi de cette curiosité temporelle et spirituelle sur laquelle se bâtit l’humanité. Elle a fait rêver plus d’un aventurier au meilleur sens du terme. Elle est pourtant paradoxale : un globe n’a pas de limites, sinon stratosphériques ; il n’est pas interdit à un Océanien de voir en l’Europe une frontière extrême ; chacun fait l’expérience de son propre espace de vie et de déplacements ; et internet  a créé l’instantanéité du message atteignant les confins.

D’ailleurs, le pape François lui préfère une autre figure géométrique : le polyèdre, dont justement les arrêtes recréent des limites qui sont souvent des zones de tensions. Et ces lignes de fracture ne sont alors plus seulement géographiques, mais aussi sociétales, économiques, politiques. Il ne s’agit plus de porter la mission dans les « îles les plus reculées« , mais bien au coeur des nations et des peuples : « je suis toujours une mission, tu es toujours une mission; toute baptisée et tout baptisé est une mission« , nous a-t-il dit lors du Mois mondial des missions extraordinaire d’octobre 2019.

Peuples du Monde n°486

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